jeudi 30 janvier 2014

DÉPISTAGES OU VRAIE PRÉVENTION DU CANCER ?





DÉPISTAGES  OU VRAIE PRÉVENTION  DU CANCER ?


      Mise à part la lutte anti-tabac, sur laquelle nous reviendrons, la quasi-totalité des efforts consentis en faveur de la prévention restent réservés aux dépistages.


LES DÉPISTAGES SYSTÉMATIQUES

      Le bilan des dépistages systématiques de masse est loin d’être positif. Ce n’est pas pour rien que les autorités américaines sont en passe d’abandonner le dépistage  systématique du CANCER DE LA PROSTATE par le dosage des P.S.A., dépistage considéré comme responsable d’une augmentation alarmante des interventions inutiles, sans aucun bénéfice en termes de mortalité globale (1).

       L’efficacité du dépistage de masse systématique du CANCER DU SEIN par mammographies répétées chez les femmes de plus de 50 ans a été mise en doute dés 1995   (2-9) ; l’objectif de 30% de réduction de la mortalité due à ce cancer est très loin d’être atteint (19). L’utilité de cette méthode est depuis sérieusement ébranlée par une accumulation de nouvelles publications.(3-4-5-6-7-8). O n trouve même dans une publication par ailleurs toute acquise au dépistage la reconnaissance de ses insuffisances (10).
        Ce n’est pas le rapport des experts mandatés en 2012 par l’Institut du Cancer Britannique qui peut clore la controverse puisque la méthodologie employée est l’objet de critiques fondées, « un non sens scientifique » selon le Formindep (collectif de professionnels de santé pour une formation et une information médicale indépendante).
        Bien que ce fait reste occulté, il ne faudrait pas oublier que les études épidémiologiques parues depuis le soulèvement de la question et donc y compris celles sur lesquelles les décisions du dépistage se sont appuyés au départ sont entachées de biais méthodologiques rédhibitoires : aucune n’a tenté de neutraliser des facteurs dont on connait aujourd’hui l’importance : le stress, l’exercice physique, l’alimentation, (sans parler des facteurs psychiques puisqu’on n’a pas le droit d’en parler sans être accusé de sectarisme ! ). D’un strict point de vue scientifique il faudrait  tout reprendre à zéro.

     Par ailleurs  on s’est aperçu depuis, qu’environ un tiers des cancers dépistés ne se seraient jamais manifestés et que le dépistage mammographique, outre les stress qu’il provoque avant, pendant, et après l’examen, entraîne trop d’interventions et de traitements inutiles (20).

     Il est regrettable que, malgré l’évidence,  la pression exercée par le Ministère de la Santé et  la Sécurité Sociale persiste et reste largement relayée par la plupart des médias,   rares sont les articles qui signalent les travaux mettant en cause le dépistage (15) ; ou bien les arguments critiques sont noyés dans un texte dont l’intitulé et la majorité restent très favorables au dépistage(10). Ce n’est pas le cas au Royaume Uni où la question de  la poursuite du dépistage systématique est officiellement posée  et où, dès à présent, la proposition du dépistage laisse la liberté du choix aux femmes au lieu de faire pression sur elles (16).
     En France nous en sommes encore très loin : la nécessaire objectivité dans l’information des femmes, réclamée dés 2007 par la revue Prescrire, n’existe toujours pas. Il y a pire : un certain nombre de médecins préconisent des mammographies systématiques et répétées à des femmes de moins de 50 ans. A ces âges les seins sont plus denses aux rayons et les mammographies encore moins fiables (11) et depuis que des études ont été menées sur le sujet, il a été partout conclu à l’inutilité de ce dépistage quand il est préconisé systématiquement. Quand on sait que le tissu cellulaire du sein chez la femme pubère est particulièrement sensible aux pressions et aux rayons, on reste pantois.
      Le dépistage par simple échographie éviterait les défauts de la mammographie  et les erreurs de sur-diagnostic qui y sont liées, mais son application est paralysée par le comportement de la plupart des radiologues français qui ne veulent en entendre parler qu’après avoir effectué la mammographie !
À noter qu’en Italie  la préférence est donnée  à l’échographie du sein.

     La France s’est lancée plus récemment dans le dépistage des CANCERS DU COLON et DU RECTUM. Les premières études indiquent que le dépistage des saignements intestinaux par l’examen des selles, suivi s’il est positif d’une coloscopie, pourrait, dans les meilleures conditions, diminuer de 25% la mortalité due à ces cancers (12). Mais on manque de données sur le résultat en termes de mortalité globale et les études épidémiologiques sont atteintes des mêmes biais que celles qui concernent le cancer du sein. On peut donc rester dubitatif sur l’intérêt de ce dépistage quand on connaît la dangerosité de la coloscopie (13).

     Bref : il peut être utile d’effectuer une mammographie,  un examen des selles ou une coloscopie lorsqu’il existe des raisons de le faire : symptômes évocateurs, antécédents familiaux, craintes en situation de stress mais proposer ces examens de façon répétée  à toute une population ne paraît pas raisonnable. Ne serait-il pas plus judicieux de dépenser le coût  de ces dépistages dans des actions visant à améliorer l’alimentation des français ou facilitant l’exercice physique ou diminuant les stress au travail et sur les routes, etc. ? Cela ne serait-il pas autrement performant quand on sait  que ces facteurs jouent  pratiquement dans toutes les maladies alors qu’un dépistage, par définition ne vise qu’une seule maladie ?  

LE DÉPISTAGE  N’EST  PAS  UNE  VRAIE  PRÉVENTION
       Dépister n’est pas empêcher la maladie d’apparaître, c’est seulement réaliser un diagnostic précoce et donner la possibilité de traiter la maladie recherchée plus tôt et donc, en principe, plus efficacement.

LA VACCINATION

  vise quant à elle à éviter le développement de la maladie correspondante. Mais elle est intrusive dans un système immunitaire dont on est loin de connaître tous les ressorts ; aussi n’est-elle justifiée qu’en l’absence d’autres moyens et à la condition que son efficacité et son innocuité soient assurées. Ce n’est pas le cas des vaccins préconisés contre le cancer du col.

LA VACCINATION  « CONTRE LE CANCER DE L’UTÉRUS » usurpe doublement son nom. Il s’agit en fait d’une vaccination contre des virus soupçonnés d’être à l’origine du seul  cancer du col de l’utérus, un cancer en très nette régression alors que le cancer du corps de l’utérus, qui n’a pas de rapport avec ces virus, est en expansion.
      L’efficacité finale et l’innocuité de ces vaccins ne sont pas prouvées. La campagne qui a été lancée précipitamment vise à vacciner toutes les adolescentes contre une partie des virus impliqués alors que l’infection virale totale ne concerne qu’une petite minorité des femmes : une recherche du taux d’infection, effectuée en Espagne, a montré que moins de 3% d’entre elles avaient été infectées. Ceci signifie que pour, et au mieux, protéger partiellement 3 femmes, il faut vacciner 100 adolescentes. Utilité et innocuité non prouvées, coût élevé, lancement rapide soutenu par une intense publicité culpabilisant les mères qui ne feraient pas vacciner leurs filles adolescentes, tout cela est sidérant (18).
      Il est heureux que les partisans de la vaccination rappellent que le dépistage  par frottis reste utile et nécessaire même chez les femmes vaccinées. Le dépistage par frottis, surtout s’il était ciblé, gagnerait à être encouragé : il est souvent redondant chez les femmes très médicalisées  et, au contraire, peu pratiqué dans les catégories sociales les moins favorisées qui sont précisément les plus exposées à ce genre de cancer. Il serait aussi nécessaire de mettre en œuvre une action de formation des médecins et des gynécologues pour améliorer la pratique et éviter ainsi l’excès actuel d’interventions inutiles après frottis(14).

 PRÉVENIR LES MALADIES, c’est supprimer ou atténuer leurs causes. Comme ces « causes »  sont souvent des facteurs communs à bien plus qu’une seule maladie, on conçoit qu’agir à ce niveau soit particulièrement intéressant.
       Mais, contrairement aux dépistages, les mesures préventives sont rarement utilisatrices de procédés médicaux ou de produits pharmaceutiques. Ceci, dans le système actuel, explique sans doute pour une large part, l’extrême timidité dont ont fait preuve en ce domaine, depuis des décennies, aussi bien les Ministères de la Santé que les Directions générales de la  Sécurité Sociale, tous très influencés par les lobbies.
       Une prochaine publication parlera de la prévention plus en détail.

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BIBLIOGRAPHIE
1/ Randomised prostate cancer screening trial…British Med .J. on line 31/3/11
2/ Screening for breast cancer – Duffy ET coll. Lancet 346 – September 23 p 852
3/ Essai d’Édimbourg in Lancet 1999-353-1903à8
4/ should we screen for breast cancer?   British Med. J. 31/07/10
5/ Breast cancer mortality in neighbouring European countries   British Med. J. 6/8/11
6/ Breast cancer mortality in organised mammography screening in Denmark British Med. J. 23/3/10
7/ Mammography screening: truth, lies and controversy - Radcliffe Publishing 2012
8/ Quatre  études : étude M.G.E.N. parue dans Cancer epidemiology, biomarkers and prevention janvier 2006
                           Étude sur les 120000 infirmières américaines
                           Étude WHEL (Women’s, Healthy Eating and Living) 
 Et“Effects of three décades of screening mammography…” New England Journal of Medecine du 22/11.12
9/ C.J. Wright and coll. Sreening mammography and public health policy – Lancet 346 –July 1 p...29, 32
10/ Comme dans cet article  de « Réseaux cancers »de juin 2001 où il faut être très attentif pour relever la
      Citation de deux études de la CNAMTS révélant des proportions non négligeables de femmes déclarant un
      Cancer dans l’année qui suit un dépistage
11/ T.M. Kolb and coll. – Occult cancer in women with dense breast – Radiology 207 – 1 -  p. 191 à 199
12/ Screening for colorectal using the foecal occult blood test hemocult in Cochrane database of systematic
       Reviews 2007 
13/ L’assurance maladie a enregistré, en 2011, 130 décès pour 1.300.000 coloscopies
14/ 139 ablations de tout l’utérus et plus de 6000 hospitalisations injustifiées en 2004 –  chiffres donnés aux
       31es. Journées nationales  du Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français 
15 / A ma connaissance, parmi les périodiques grand public, seul Que Choisir Santé dés 2010 dans le n° 45
16/ Voir la lettre du Pr. S. Bowley et la réponse du Pr. M. Richardson in British Med. J. du 29/10/11
17/ Prescrire-oct2007-288- p. 758à762
18/ Exemplaire la pleine page de publicité payée par Sanofi parue dans le Courrier Picard du 8 Déc. 2008
19/ Effects of NHS breast screening programme in mortality…Br.Med.J.-2000-321-p.665 & sq
20/ Over diagnostic in publicly organised mammography…Br.Med.J. du 9/7/09