jeudi 8 février 2018

Découvreurs méconnus




                                                             
  Découvreurs méconnus

    Quand on parle, dans le domaine médical, d’inventeurs méconnus, le nom de Semmelweis vient d’emblée à l’esprit tant a frappé les esprits l’histoire pathétique de ce médecin hongrois (1818-1865), découvreur de l’importance de l’hygiène, très longtemps avant Louis Pasteur, et rendu fou par l’acharnement haineux dont il fut l’objet par ses « confrères ».

 Puis viennent des noms historiquement plus récents, peu ou mal connus.
Nombreux sont les médecins qui ont en mémoire le nom du docteur Balint (1896-1970) qui a classé certaines maladies comme psychosomatiques (1) ; mais qui connait le docteur Georg  Groddeck (1866-1934) ? Groddeck, bien avant Balint, s’était rendu compte que toute maladie comportait un versant psychique et avait traduit, non sans succès, cette conception nouvelle dans sa pratique. Mais Groddeck ne fit pas école, contrairement à Sigmund Freud qui, lui, refusa constamment toute application de la psychanalyse hors du domaine des maladies mentales. Groddeck (2) ne ramenait pas tout à la psychanalyse mais il pratiquait une médecine pleine d’avenir, celle de l’homme complet, ce que pressentent bien des généralistes, mais qui reste ignoré de la plupart des Professeurs de Médecine.

   En cancérologie, depuis quelques décennies, les  chimiothérapies sont  planifiées  dans leur rythme et leurs doses. Auparavant les doses massives prescrites sur un petit laps de temps avaient beaucoup plus d’inconvénients que de résultats favorables. Mais bien peu de cancérologues savent que la nouvelle façon de faire fut inspirée des travaux du docteur André Gernez (1923-2014), menés dans les années 1960, contrebattus en France mais écoutés aux U.S.A. d’où elle nous revint. Gernez, radiothérapeute de formation fut aussi un biologiste inventeur d’une prévention générale du cancer (3), des allergies et  de la myopathie de Duchesne, mais la plupart de ces travaux restent encore ignorés.

   Qui n’a pas entendu parler de l’hypnose,  de ses applications médicales ou de l’intérêt des pensées positives ou du bienfait de la bonne humeur sur la santé ? Mais quand, en France, quelqu’un parle de « la méthode Coué » (4), c’est, la plupart du temps, pour s’en moquer. Émile Coué, petit pharmacien lorrain qui vécut  de 1852 à 1925, est pourtant reconnu, hors de nos frontières, comme un pionnier de l’autosuggestion, dont les applications sont universelles.

   Ces trois là mériteraient bien une place dans les études médicales ; on en est encore très loin en France plus particulièrement. Les praticiens qui ont tenté de développer les idées de ces découvreurs ont le plus souvent été traités de charlatans ; les Facultés de médecine, l’Académie de Médecine et l’Ordre des médecins restent sourds et aveugles. Le pauvre Coué est le plus malmené car son nom n’est prononcé que pour railler une méthode dont les moqueurs n’a rien compris : ainsi, quand un homme politique déclare « voir le bout du tunnel » de la crise, des journalistes l’accusent de pratiquer la méthode Coué ! Or celle-ci n’a rien à voir avec ce genre de prédictions volontaristes, la méthode Coué  est une pratique d’auto hypnose qui n’a d’action possible que sur l’organisme de celui qui l’emploie. Si je veux faire prendre à mes électeurs mes désirs pour des réalités, il s’agit de propagande, pas de méthode Coué !

   A ces trois là, il faut, en toute justice, ajouter beaucoup d’autres noms de grands méconnus dont nous ne ferons ici qu’évoquer quelques uns…en ordre alphabétique car nous ne sommes pas juges de leur importance respective :
  Anne Ancelin-Schützenberger (née en 1918) (5)  repéra si bien comment des maladies peuvent se transmettre de génération en génération sans qu’aucun facteur génétique n’entre en jeu.

   René Dubos (1901-1982) (6) né dans l’Oise  passa la plus grande partie de sa vie aux U.S.A. où il put développer ses idées sur l’écologie humaine, travaux qui restent le plus souvent encore totalement inconnus des médecins aussi bien que des écologistes.

   Élisabeth Kübler-Ross (1926-2004), née en Suisse et décédée aux U.S.A. apprit à accompagner les patients en fin de vie (7), un modèle encore si peu suivi dans nos hôpitaux.

   Catherine Kousmine, médecin suisse francophone (1904-1992), repéra bien avant d’autres l’influence de l’alimentation dans la genèse des maladies les plus courantes dans nos pays dits développés (8), revalorisant le vieux concept hippocratique : « que l’aliment soit ton remède ».

   Henri Laborit (1914-1995) , outre de nombreuses publications scientifiques, publia plusieurs livres destinés au grand public et patronna un film montrant l’importance des effets du stress chronique sur la santé et l’effet souvent décisif de l’inhibition de l’action qui prive l’organisme des réponses salvatrices (9). Il fut très vite mis à l’écart et privé se subsides. Ses travaux sont encore recouverts d’une chape de plomb de la part des grandes institutions médicales.

 Michel Odent (né en 1930) appliqua en France, dés les années 1970, avec Frédéric Leboyer, une méthode d’accouchement naturel puis dut s’exiler en Angleterre (10).


Henri Picard (1936-2003), dés 1983 (11),  sut montrer que l’arthrose est une maladie et non un vieillissement et que, de plus, c’est une maladie guérissable, ce qui, en 2016, fut confirmé avec les premiers résultats d’un médicament qui copie les recommandations de ce pionnier totalement oublié..


Jean Seignalet (1936-2003) fut en France, à notre connaissance, le premier à expliciter l’importance de la flore intestinale (dénommée aujourd’hui « microbiote ») et en déduisit une alimentation qui peut soigner un grand nombre de maladies liées à l’état de cette flore (12).

 Carl Simonton (1942-2009) et sa femme Stéphanie ont illustré les possibilités de guérir des cancers improbables (13). Un temps poursuivis dans leur pays, les U.S.A., ils finirent par être rayés de la liste des médecines douteuses, et les éléments de leur méthode pénètrent peu à peu les pratiques des centres anticancéreux. 

Pierre Tubery (1929-2017) ramena d’Afrique des plantes dont il avait eu la patience d’apprendre l’utilité auprès d’un guérisseur dont il s’était fait un ami. Le desmodium est maintenant commercialisé et reste le premier médicament capable de régénérer le foie  mais d’autres plantes, utilisables dans des maladies orphelines, attendent encore qu’un laboratoire accepte de les étudier.

      Toutes ces personnes ont en commun d’être désintéressées, et d’avoir fait des découvertes qui finissent par s’imposer et par être reprises sous une forme ou sous une autre.  

  Il faudrait, en toute justice, ajouter à cette liste les personnes atteintes de maladies que la                    Médecine peine à soigner : après avoir cherché par elles-mêmes hors des sentiers battus, elles ont témoigné de leur guérison. L’une des premières à le faire fut Rika Zaraï, que l’esprit français, volontiers taquin, ridiculisa, à tort à notre avis.  

 Dans le cas des découvreurs de médicaments, la reconnaissance de leur validité  est plus difficile, elle  nécessiterait  de passer par de longues et coûteuses expérimentations hors de portées d’un chercheur solitaire. Il est malheureux que la recherche en ce domaine ait été abandonnée à l’industrie pharmaceutique qui n’entreprend ces études que lorsqu’elle est assurée d’avoir un retour sur investissement. C’est ainsi que seule une plante parmi celles que Pierre Tubéry avait ramené est passée dans le domaine commun. La question se complique lorsque le découvreur a commercialisé lui-même le produit nouveau : ce fut le cas de Jean Solomidés et de Mirko Belganski dont les découvertes furent rapidement mises sur le marché, les exposant ainsi à l’accusation d’exercice illégal de la pharmacie.     

                                                                         Fin

Bibliographie succincte : un seul ouvrage par auteur
1 /  La maladie, le médecin et son malade, éd Payot
2 / La maladie, l’art et le symbole, éd Gallimard
3 / Pour une politique publique de prévention active du cancer – Drs J.C. Mériot et J.Lacaze éd « la nouvelle renaissance » -2012
4 / A son sujet lire : « Tous les jours de mieux en mieux… »de R. Centassi et G. Grellet éd. Robert Laffont
5 / Aïe mes aïeux, éd Desclée de Brouwer
6 / L’homme et l’adaptation au milieu, éd Payot
7 / Vivre avec la mort et les mourants, éd Le Rocher
8 / Soyez bien dans votre assiette, éd Sand
9 / L’éloge de la fuite, éd Robert Laffont
10 / Bien naître, éd du Seuil
11 / Vaincre l’arthrose, éd Le Rocher
12 / L’alimentation, la troisième médecine, éd De Guibert
13 / Guérir envers et contre tout, éd de l’Épi