jeudi 28 février 2019

Hôpital Public ou Clinique privée ?




Hôpital Public ou Clinique privée ?


L’intérêt de la clinique privée est sans conteste d’avoir toujours affaire au même médecin et, souvent, de jouir d’un meilleur confort. Les premières cliniques avaient été le plus souvent créées et dirigées  par un chirurgien ou un médecin, et souvent aussi dans l’optique d’un meilleur service. Mais ce schéma est en voie de disparition, la plupart des cliniques ont été rachetées par des consortiums à but lucratif.   

L’avantage d’un meilleur confort s'atténue  car les hôpitaux, surtout les Centres Hospitaliers Universitaires, se sont modernisés. Mais l’autonomie donnée aux Directeurs d’hôpitaux a eu pour contre partie la nécessité de s’endetter puisqu’elle entraîne le retrait des subventions publiques. Ainsi les gestions respectives tendent à se rapprocher, le Directeur d’une clinique doit assurer un taux de rendement satisfaisant aux investisseurs, mais le Directeur d’un Hôpital doit tirer une plus value de sa gestion pour payer les intérêts de dettes croissantes.

Mais d’autres différences persistent et il faut avouer qu’elles imposent des charges supplémentaires au secteur public.

L’hôpital public assure trois fonctions supplémentaires : les urgences, l’enseignement et la recherche. Seuls quelques rares hôpitaux ou cliniques privées assurent l’une ou l’autre de ces fonctions.

Les urgences sont assurées 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Dans tous les services, y compris les laboratoires et la radiologie, un service de garde est organisé, ce qui participe à une fuite des personnels vers le privé qui assure des conditions de travail préférables , pour des rémunérations au moins équivalentes.

La fonction d’enseignement entraine la présence de nombreux intervenants médicaux ou para médicaux, dont un bon nombre en cours de formation, ce qui manifestement peut alléger les frais de personnel. Mais, pour le patient  il n’est pas évident de s’y retrouver, parmi les médecins, entre chef de service, praticiens hospitaliers, assistants chefs de clinique, internes en cours de spécialisation et simples étudiants en médecine.
 Parmi les non-médecins, pas évident non plus de distinguer entre infirmières, élèves-infirmières, aides soignantes et élèves aides soignantes. Certes, tout ce monde porte un badge, mais pour lire ces badges encore faut-il avoir la vue perçante et l’œil vif !  Quand vous passez un électrocardiogramme, ce praticien est-il une infirmière spécialisée ou un futur cardiologue ? Quand on vous fait une radio, est-ce un manipulateur chevronné, un aide manipulateur en formation ou un interne ?  Et on pourrait poser la même question pour bien d’autres fonctions…
La fonction d’enseignement implique aussi parfois d’effectuer ou de dupliquer un examen sans que cela soit vraiment nécessaire pour le diagnostic et les soins ; elle amène aussi parfois à présenter « le cas » qui est le vôtre à un aréopage d’étudiants, en vous en demandant ou non l’autorisation, cela dépend du « patron » et est, aujourd’hui, certainement moins fréquent que ce ne fut il y a quelques décennies !     
    
La fonction de recherche fait que vous avez aussi, en tant que patient, l’occasion – est-ce un risque ou une chance ? - de participer à un protocole de recherche sur une nouvelle technique ou l’usage d’un nouveau médicament. Parfois le patient est informé de cette participation et, s’il l’accepte,
c’est parfait car le (petit ?) risque pris est alors en lui-même valorisant cependant c'est  loin d'être toujours le cas. Informer nécessiterait, en contre partie, de savoir accepter un éventuel refus. Mais est-il raisonnable de vouloir éviter le risque d’un refus en cachant tout?                                                               
Ces deux fonctions procurent à l’hôpital public (et aux quelques hôpitaux privés, peu nombreux, qui ont accepté de les assurer aussi), un avantage certain en terme de qualité technique.
 Il est regrettable que l’opacité sur la fonction du soignant et sur le contenu des soins reçus jette le trouble si souvent dans l’esprit du patient. Ces problèmes bien qu’anciens seront aisément réglés quand les patients auront leur mot à dire dans le fonctionnement de l’hôpital et dans la formation des soignants et des médecins en premier lieu. 

Il n’en est pas de même en ce qui concerne l’évolution récente de la gestion des établissements, qu’ils soient publics ou privés car la dégradation des conditions de travail du personnel perdure et s’aggrave partout. Sans un changement radical de cette gestion cette dégradation entrainera, quelque soit la structure,  une régression de la qualité des soins. L’évolution récente, depuis les dernières « réformes » de l’hôpital public et l’irruption des sociétés anonymes dans les cliniques privées force les administrations à intensifier la charge de travail en économisant sur les frais de personnel, à raccourcir les durées d’hospitalisation, à privilégier les secteurs à haute technicité et à rentabiliser les plateaux techniques en multipliant les actes couteux pour la Sécurité Sociale. A ce jeu, c’est cette dernière qui, une fois encore, est perdante mais cette perdition n’est pas pour déplaire aux forces sociales qui n’ont jamais digéré sa création et s’emploient, depuis les ordonnances de 1967, à la détricoter maille après maille.

La solution des problèmes hospitaliers actuels passe obligatoirement  par une réflexion globale sur la santé et sur l’économie : vers quel type de société voulons-nous aller ?  Quelle place donner aux plus défavorisés, aux malades, aux handicapés, aux personnes âgées ? Quels objectifs proposer aux plus jeunes, la Rollers et les Ray-Bans, l’hélicoptère et le yacht, ou une vraie vie dans une société de plus en plus paisible et équitable* ?       
 
·         Voir à ce sujet le livre de Richard Wilkinson : « L’égalité c’est la santé » (éditions Demopolis) et « Pourquoi l’égalité est meilleure pour tous », avec Kate Pickett (éditions Les petits matins)