Hôpital
Public ou Clinique privée ?
L’intérêt
de la clinique privée est sans conteste d’avoir toujours affaire au même
médecin et, souvent, de jouir d’un meilleur confort. Les premières cliniques
avaient été le plus souvent créées et dirigées par un chirurgien ou un médecin, et souvent
aussi dans l’optique d’un meilleur service. Mais ce schéma est en voie de
disparition, la plupart des cliniques ont été rachetées par des consortiums à
but lucratif.
L’avantage
d’un meilleur confort s'atténue car les hôpitaux, surtout les Centres
Hospitaliers Universitaires, se sont modernisés. Mais l’autonomie donnée aux
Directeurs d’hôpitaux a eu pour contre partie la nécessité de s’endetter
puisqu’elle entraîne le retrait des subventions publiques. Ainsi les gestions
respectives tendent à se rapprocher, le Directeur d’une clinique doit assurer
un taux de rendement satisfaisant aux investisseurs, mais le Directeur d’un
Hôpital doit tirer une plus value de sa gestion pour payer les intérêts de
dettes croissantes.
Mais d’autres différences persistent et
il faut avouer qu’elles imposent des charges supplémentaires au secteur public.
L’hôpital
public assure trois fonctions supplémentaires : les urgences, l’enseignement
et la recherche. Seuls quelques rares hôpitaux ou cliniques privées assurent
l’une ou l’autre de ces fonctions.
Les urgences sont assurées 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Dans
tous les services, y compris les laboratoires et la radiologie, un service de
garde est organisé, ce qui participe à une fuite des personnels vers le privé
qui assure des conditions de travail préférables , pour des rémunérations
au moins équivalentes.
La fonction d’enseignement entraine la présence de nombreux intervenants
médicaux ou para médicaux, dont un bon nombre en cours de formation, ce qui
manifestement peut alléger les frais de personnel. Mais, pour le patient il n’est pas évident de s’y retrouver, parmi
les médecins, entre chef de service, praticiens hospitaliers, assistants chefs
de clinique, internes en cours de spécialisation et simples étudiants en
médecine.
Parmi les non-médecins, pas évident non plus de distinguer entre
infirmières, élèves-infirmières, aides soignantes et élèves aides soignantes.
Certes, tout ce monde porte un badge, mais pour lire ces badges encore faut-il
avoir la vue perçante et l’œil vif ! Quand vous passez un électrocardiogramme, ce
praticien est-il une infirmière spécialisée ou un futur cardiologue ?
Quand on vous fait une radio, est-ce un manipulateur chevronné, un aide
manipulateur en formation ou un interne ? Et on pourrait poser la même question pour bien
d’autres fonctions…
La fonction d’enseignement implique aussi parfois
d’effectuer ou de dupliquer un examen sans que cela soit vraiment nécessaire
pour le diagnostic et les soins ; elle amène aussi parfois à présenter
« le cas » qui est le vôtre à un aréopage d’étudiants, en vous en demandant
ou non l’autorisation, cela dépend du « patron » et est, aujourd’hui,
certainement moins fréquent que ce ne fut il y a quelques décennies !
La fonction de recherche fait que vous avez aussi, en tant que patient,
l’occasion – est-ce un risque ou une chance ? - de participer à un
protocole de recherche sur une nouvelle technique ou l’usage d’un nouveau
médicament. Parfois le patient est informé de cette participation et, s’il
l’accepte,
c’est parfait car le (petit ?) risque pris est alors en
lui-même valorisant cependant c'est loin d'être toujours le cas. Informer nécessiterait, en contre partie, de savoir accepter un éventuel
refus. Mais est-il raisonnable de vouloir éviter le risque d’un refus en cachant tout?
Ces
deux fonctions procurent à l’hôpital public (et aux quelques hôpitaux privés,
peu nombreux, qui ont accepté de les assurer aussi), un avantage certain en
terme de qualité technique.
Il est regrettable que l’opacité sur la fonction du
soignant et sur le contenu des soins reçus jette le trouble si souvent dans
l’esprit du patient. Ces problèmes bien qu’anciens seront aisément réglés
quand les patients auront leur mot à dire dans le fonctionnement de l’hôpital
et dans la formation des soignants et des médecins en premier lieu.
Il
n’en est pas de même en ce qui concerne l’évolution récente de la gestion des
établissements, qu’ils soient publics ou privés car la dégradation des conditions de travail du personnel perdure et
s’aggrave partout. Sans un changement radical de cette gestion cette
dégradation entrainera, quelque soit la structure, une régression de la qualité des soins. L’évolution
récente, depuis les dernières « réformes » de l’hôpital public et
l’irruption des sociétés anonymes dans les cliniques privées force les
administrations à intensifier la charge de travail en économisant sur les frais
de personnel, à raccourcir les durées d’hospitalisation, à privilégier les
secteurs à haute technicité et à rentabiliser les plateaux techniques en
multipliant les actes couteux pour la Sécurité Sociale. A ce jeu, c’est cette
dernière qui, une fois encore, est perdante mais cette perdition n’est pas pour
déplaire aux forces sociales qui n’ont jamais digéré sa création et s’emploient,
depuis les ordonnances de 1967, à la détricoter maille après maille.
La
solution des problèmes hospitaliers actuels passe obligatoirement par une
réflexion globale sur la santé et sur l’économie : vers quel type de
société voulons-nous aller ? Quelle
place donner aux plus défavorisés, aux malades, aux handicapés, aux personnes
âgées ? Quels objectifs proposer aux plus jeunes, la Rollers et les Ray-Bans,
l’hélicoptère et le yacht, ou une vraie vie dans une société de plus en plus
paisible et équitable* ?
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Voir à ce sujet
le livre de Richard Wilkinson : « L’égalité c’est la santé »
(éditions Demopolis) et « Pourquoi l’égalité est meilleure pour
tous », avec Kate Pickett (éditions Les petits matins)