DÉPISTAGES OU VRAIE PRÉVENTION DU CANCER ?
Mise à part la lutte anti-tabac, sur
laquelle nous reviendrons, la quasi-totalité des efforts consentis en faveur de
la prévention restent réservés aux dépistages.
LES DÉPISTAGES SYSTÉMATIQUES
Le bilan des dépistages systématiques de
masse est loin d’être positif. Ce n’est pas pour rien que les autorités
américaines sont en passe d’abandonner le dépistage systématique du CANCER DE LA PROSTATE par le dosage des P.S.A., dépistage considéré
comme responsable d’une augmentation alarmante des interventions inutiles, sans
aucun bénéfice en termes de mortalité globale (1).
L’efficacité du dépistage de masse systématique
du CANCER DU SEIN par mammographies répétées chez les femmes de plus de 50
ans a été mise en doute dés 1995 (2-9) ;
l’objectif de 30% de réduction de la mortalité due à ce cancer est très loin
d’être atteint (19). L’utilité de cette méthode est depuis sérieusement
ébranlée par une accumulation de nouvelles publications.(3-4-5-6-7-8). O n
trouve même dans une publication par ailleurs toute acquise au dépistage la
reconnaissance de ses insuffisances (10).
Ce n’est pas le rapport des experts
mandatés en 2012 par l’Institut du Cancer Britannique qui peut clore la
controverse puisque la méthodologie employée est l’objet de critiques fondées,
« un non sens scientifique » selon le Formindep (collectif de
professionnels de santé pour une formation et une information médicale
indépendante).
Bien que ce fait reste occulté, il ne
faudrait pas oublier que les études épidémiologiques parues depuis le
soulèvement de la question et donc y compris celles sur lesquelles les
décisions du dépistage se sont appuyés au départ sont entachées de biais
méthodologiques rédhibitoires : aucune n’a tenté de neutraliser des
facteurs dont on connait aujourd’hui l’importance : le stress, l’exercice physique, l’alimentation, (sans parler des
facteurs psychiques puisqu’on n’a pas le droit d’en parler sans être accusé de
sectarisme ! ). D’un strict point de vue scientifique il faudrait tout reprendre à zéro.
Par ailleurs on s’est aperçu depuis, qu’environ un tiers des cancers dépistés ne se seraient jamais manifestés et que le dépistage mammographique, outre les
stress qu’il provoque avant, pendant, et après l’examen, entraîne trop
d’interventions et de traitements inutiles (20).
Il est regrettable que, malgré
l’évidence, la pression exercée par le
Ministère de la Santé
et la Sécurité Sociale persiste
et reste largement relayée par la plupart des médias, rares sont les articles qui signalent les
travaux mettant en cause le dépistage (15) ; ou bien les arguments
critiques sont noyés dans un texte dont l’intitulé et la majorité restent très
favorables au dépistage(10). Ce n’est pas le cas au Royaume Uni où la question
de la poursuite du dépistage
systématique est officiellement posée et
où, dès à présent, la proposition du dépistage laisse la liberté du choix aux
femmes au lieu de faire pression sur elles (16).
En
France nous en sommes encore très loin : la nécessaire objectivité dans
l’information des femmes, réclamée dés 2007 par la revue Prescrire, n’existe
toujours pas. Il y a pire : un
certain nombre de médecins préconisent des mammographies systématiques et
répétées à des femmes de moins de 50 ans. A ces âges les seins sont plus denses
aux rayons et les mammographies encore moins fiables (11) et depuis que des
études ont été menées sur le sujet, il a été partout conclu à l’inutilité de ce
dépistage quand il est préconisé systématiquement. Quand on sait que le tissu
cellulaire du sein chez la femme pubère est particulièrement sensible aux
pressions et aux rayons, on reste pantois.
Le dépistage par simple échographie
éviterait les défauts de la mammographie
et les erreurs de sur-diagnostic qui y sont liées, mais son
application est paralysée par le comportement de la plupart des radiologues
français qui ne veulent en entendre parler qu’après avoir effectué la
mammographie !
À noter qu’en
Italie la préférence est donnée à l’échographie du sein.
La France s’est lancée plus récemment dans le
dépistage des CANCERS DU COLON et DU RECTUM. Les premières
études indiquent que le dépistage des saignements intestinaux par l’examen des
selles, suivi s’il est positif d’une coloscopie, pourrait, dans les meilleures
conditions, diminuer de 25% la mortalité due à ces cancers (12). Mais on manque
de données sur le résultat en termes de mortalité globale et les études
épidémiologiques sont atteintes des mêmes biais que celles qui concernent le
cancer du sein. On peut donc rester dubitatif sur l’intérêt de ce dépistage
quand on connaît la dangerosité de la coloscopie (13).
Bref : il peut être utile d’effectuer
une mammographie, un examen des selles
ou une coloscopie lorsqu’il existe des raisons de le faire : symptômes évocateurs, antécédents
familiaux, craintes en situation de stress mais proposer ces examens de façon
répétée à toute une population ne paraît
pas raisonnable. Ne serait-il pas plus judicieux de dépenser le coût de ces dépistages dans des actions visant à
améliorer l’alimentation des français ou facilitant l’exercice physique ou
diminuant les stress au travail et sur les routes, etc. ? Cela ne
serait-il pas autrement performant quand on sait que ces facteurs jouent pratiquement dans toutes les maladies alors
qu’un dépistage, par définition ne vise qu’une seule maladie ?
LE DÉPISTAGE N’EST
PAS UNE VRAIE PRÉVENTION
Dépister n’est pas empêcher la maladie
d’apparaître, c’est seulement réaliser un diagnostic
précoce et donner la possibilité de traiter la maladie recherchée plus
tôt et donc, en principe, plus efficacement.
LA VACCINATION
vise quant à elle à éviter le
développement de la maladie correspondante. Mais elle est intrusive dans un
système immunitaire dont on est loin de connaître tous les ressorts ;
aussi n’est-elle justifiée qu’en l’absence d’autres moyens et à la condition
que son efficacité et son innocuité soient assurées. Ce n’est pas le cas des
vaccins préconisés contre le cancer du col.
LA
VACCINATION
« CONTRE LE CANCER DE L’UTÉRUS » usurpe doublement son nom. Il s’agit
en fait d’une vaccination contre des
virus soupçonnés d’être à l’origine du seul
cancer du col de l’utérus, un
cancer en très nette régression alors que le cancer du corps de l’utérus, qui n’a pas de rapport avec ces virus,
est en expansion.
L’efficacité finale et l’innocuité de ces
vaccins ne sont pas prouvées. La
campagne qui a été lancée précipitamment vise à vacciner toutes les
adolescentes contre une partie des virus impliqués alors que l’infection virale
totale ne concerne qu’une petite minorité des femmes : une recherche du taux
d’infection, effectuée en Espagne, a montré que moins de 3% d’entre elles
avaient été infectées. Ceci signifie que pour, et au mieux, protéger
partiellement 3 femmes, il faut vacciner 100 adolescentes. Utilité et innocuité non prouvées, coût élevé, lancement rapide
soutenu par une intense publicité culpabilisant les mères qui ne feraient pas
vacciner leurs filles adolescentes, tout cela est sidérant (18).
Il est heureux que les partisans de la
vaccination rappellent que le dépistage
par frottis reste utile et nécessaire même chez les femmes vaccinées. Le dépistage par frottis, surtout
s’il était ciblé, gagnerait à être encouragé : il est souvent redondant
chez les femmes très médicalisées et, au
contraire, peu pratiqué dans les catégories sociales les moins favorisées qui
sont précisément les plus exposées à ce genre de cancer. Il serait aussi
nécessaire de mettre en œuvre une action de formation des médecins et des
gynécologues pour améliorer la pratique et éviter ainsi l’excès actuel
d’interventions inutiles après frottis(14).
PRÉVENIR LES
MALADIES, c’est supprimer ou atténuer leurs
causes. Comme ces
« causes » sont souvent des
facteurs communs à bien plus qu’une seule maladie, on conçoit qu’agir à ce
niveau soit particulièrement intéressant.
Mais, contrairement aux dépistages, les
mesures préventives sont rarement utilisatrices de procédés médicaux ou de
produits pharmaceutiques. Ceci, dans
le système actuel, explique sans doute pour une large part, l’extrême timidité
dont ont fait preuve en ce domaine, depuis des décennies, aussi bien les Ministères de la Santé que les Directions générales de la
Sécurité Sociale, tous très influencés par les
lobbies.
Une prochaine publication parlera de la
prévention plus en détail.
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BIBLIOGRAPHIE
1/ Randomised prostate cancer screening trial…British Med .J. on line
31/3/11
2/ Screening for breast cancer – Duffy ET coll. Lancet 346 – September 23 p 852
3/ Essai d’Édimbourg in
Lancet 1999-353-1903à8
4/ should we screen for breast cancer?
British Med. J. 31/07/10
5/ Breast cancer mortality in neighbouring European countries British Med. J. 6/8/11
6/ Breast cancer mortality in organised mammography screening in Denmark
British Med. J. 23/3/10
7/ Mammography screening: truth, lies and controversy - Radcliffe Publishing
2012
8/ Quatre études : étude M.G.E.N. parue dans Cancer
epidemiology, biomarkers and prevention janvier 2006
Étude sur les
120000 infirmières américaines
Étude
WHEL (Women’s, Healthy Eating and Living)
Et“Effects of three décades of screening mammography…” New England Journal of Medecine du 22/11.12
9/ C.J. Wright and coll. Sreening mammography and public health policy –
Lancet 346 –July 1 p...29, 32
10/ Comme dans cet
article de « Réseaux
cancers »de juin 2001 où il faut être très attentif pour relever la
Citation de deux études de la CNAMTS révélant des
proportions non négligeables de femmes déclarant un
Cancer dans l’année qui suit un dépistage
11/ T.M. Kolb and coll. – Occult cancer in women with dense breast –
Radiology 207 – 1 - p. 191 à 199
12/ Screening for colorectal using the foecal occult blood test hemocult
in Cochrane database of systematic
Reviews 2007
13/ L’assurance maladie a
enregistré, en 2011, 130 décès pour 1.300.000 coloscopies
14/ 139 ablations de tout
l’utérus et plus de 6000 hospitalisations injustifiées en 2004 – chiffres donnés aux
31es. Journées nationales du Collège National des Gynécologues et
Obstétriciens Français
15 / A ma connaissance,
parmi les périodiques grand public, seul Que Choisir Santé dés 2010 dans le n°
45
16/ Voir la lettre du Pr. S.
Bowley et la réponse du Pr. M. Richardson in British Med. J. du 29/10/11
17/ Prescrire-oct2007-288- p.
758à762
18/ Exemplaire la pleine page
de publicité payée par Sanofi parue dans le Courrier Picard du 8 Déc. 2008
19/ Effects of NHS breast screening programme in
mortality…Br.Med.J.-2000-321-p.665 & sq
20/ Over diagnostic in publicly organised mammography…Br.Med.J. du
9/7/09