dimanche 29 mars 2015

Les nanoparticules



 

NANOPARTICULES

Quelques applications géniales… mais les autres ?

Tout objet de dimension comprise entre un et mille nanomètre peut être dénommé nanoparticule, étant entendu qu’un nanomètre égale un milliardième de mètre. Un nanomètre représente à peu prés la taille d’un groupe de dix atomes : à ce niveau les lois de la physique habituelle commencent à céder le pas à celles de la physique quantique. 

DANS LA NATURE, il existe, « depuis toujours »  des nanoparticules auxquelles notre organisme s’est adapté, c’est le cas des embruns marins.

ACTIVITÉS INDUSTRIELLES .
 D’autres sont issus des activités industrielles : les mineurs ont payé leur tribut aux nanoparticules de silice ou d’oxyde de fer ; les travailleurs et les usagers de l’amiante n’ont pas fini de subir les conséquences de leur exposition. Pas de défenses non plus vis-à-vis des poussières ultra fines des fumées du diesel.

CRÉATION DE NOUVELLES NANOPARTICULES :
DEPUIS 1990, des chercheurs ont appris à créer des nanoparticules nouvelles. Des applications industrielles ont rapidement été mises en route.
Aujourd’hui, plus de mille usines produisent un millier de nanos différentes et l’on compte plus de 3500 industries utilisatrices déclarées dans toutes sortes de secteurs d’activité. Le développement est très rapide : 40 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2001, 500 milliards, pour une production de 250000 tonnes, en 2008, et, selon les sources, de 1000 à  2500 milliards de chiffre pour une production de 500000 tonnes en 2012.
L’État français n’est pas pour rien dans l’expansion de cette technologie, il a beaucoup investi dans ce secteur et poursuit cet investissement à raison d’un milliard d’euros par an. Il existe une intense collaboration entre le pôle Minatec de Grenoble, le C.N.R.S. (Centre National de la Recherche Scientifique), le C.E.A. (Commissariat à l’Énergie Atomique) et les industriels intéressés.
Au départ les nanoparticules ont été présentées comme des « objets physiques » ce qui a permis de passer à côté de la législation européenne concernant les produits chimiques (programme REACH) et d’échapper à l’obligation d’effectuer des recherches de toxicité avant toute mise sur le marché.


LE PATRIMOINE GÉNÉTIQUE SANS DÉFENSE
Dés le début des scientifiques ont alerté sur une potentielle dangerosité de ces produits, dangerosité liée à leur très petite taille, très inférieure à celle des cellules vivantes. Ces tout petits objets peuvent franchir les barrières élevées par les organismes vivants ( plantes, animaux et humains)  pour se protéger des microbes de toutes sortes. Une peau saine les arrête mais la moindre irritation fait céder cet obstacle. Respirées ou ingérées, elles peuvent traverser les muqueuses et parvenir ainsi dans le sang, voire dans le placenta et les méninges et donc parvenir à l’embryon, au fœtus et au cerveau.
Ainsi mises au contact des cellules des différents organes du corps, les nanos ont la capacité de traverser leurs membranes, de pénétrer dans leurs mitochondries, qui assurent le  fonctionnement cellulaire, et aussi dans leur noyau et leur ADN. La cellule peut alors, selon le point d’impact, dysfonctionner, dépérir ou muter. Par le même mécanisme que celui qui est suivi par les plus fines fibres d’amiante, les nanos ont ainsi la capacité de cancériser l’organe  atteint.
Les préoccupations pour la santé seraient-elles des phantasmes, comme veulent nous le faire croire certains physiciens ?
Dés les années 1990, l’étude des P.U.F. (particules ultra fines), en réalité de la taille des nanos, avait été faite sur les fumées industrielles et la combustion du fuel et du diesel. Les travaux effectués s’appuyaient sur des données toxicologiques et sur ce qui avait été constaté sur des populations exposées. Leur conclusion fut que ces particules étaient cancérigènes et également nocives pour le cœur et les vaisseaux.
Cela s’explique ainsi : les particules fines et ultrafines provoquent une inflammation des organes atteints. Si celle-ci persiste des années, on peut voir apparaître des maladies cardiovasculaires ou une dégénérescence cérébrale, on peut voir une bronchite chronique se transformer en fibrose ou en cancer du poumon. L’inflammation passe, dans ces cas, par l’émission d’agents oxydants, et en particulier de radicaux libres.
Les études réalisées sur des animaux ont montré la nocivité de diverses nanos, y compris des nanotubes de carbone, dont on aurait pu espérer qu’ils soient moins dangereux que des nanos d’aluminium ou de silicium.
La voie de pénétration la plus fréquente est le passage par les voies respiratoires.
L’expérience de l’amiante, connu comme cancérigène depuis des décennies mais dont l’emploi fut longtemps justifié par les industriels et l’`État, aurait du alerter et amener  les instances sanitaires à réagir vigoureusement. Ce n’est manifestement pas le cas. 

Seule la position de la Lloyd est claire : cet « assureur des assureurs » refuse de couvrir les risques sanitaires engendrés par les nanos. La Lloyd prend ici la même position que celle qu’elle a toujours  prise vis-à-vis du nucléaire. Mais ce nouvel avertissement n’est pas davantage entendu. Comme pour les victimes de l’amiante, c’est le contribuable qui paiera ; et l’addition risque d’être beaucoup plus lourde !
Mais cela est secondaire : l’argent ne rend pas la santé!

Pour l’instant et DANS UNE GRANDE DISCRÉTION, de nouveaux pneus, plus souples et plus antidérapants, des textiles qui évacuent les odeurs, effacent les taches et tuent les microbes, des semelles qui ne sentent jamais les pieds, des verres de lunettes ou des vitres qui s’auto-nettoient, des cuirs plus souples, des dentifrices plus antiseptiques, des armes qui tuent mieux, des cosmétiques plus doux et plus beaux, des crèmes solaires transparentes, des articles de sport plus solides et plus légers, du sucre en poudre ou du sel qui se s’agglomèrent jamais, sans oublier des aliments moins périssables, contiennent déjà des nanos d’argent, de silicium, de carbone, de titane ou d’alumine…ceci pour notre plus grand confort et parce que : « nous le valons bien ». Les plus grandes utilisations concernent actuellement les pneumatiques, les cosmétiques, les ciments et l’électronique. Plus de 200 produits de grande consommation en 2006, et plus de 500 en 2008 contiennent des nanos sans que jamais leur présence soit signalée, et ceci en toute légalité.
Ainsi, sans le savoir, nous en mangeons, nous en absorbons par notre peau dés quelle est rasée ou irritée et nous en respirons, même dans la rue où circulent les poussières provenant de l’usure des pneus.
Les intérêts de l’Ètat et la pression des industries utilisatrices ont abouti à l’absence de toute réglementation : la seule contrainte lorsqu’on utilise des nanoparticules consiste en une déclaration à faire auprès  de l’administration. 
Mais, rassurez-vous, un groupe de réflexion informel, aux travaux confidentiels, étudie de possibles assouplissements à cette dure obligation ! Ce groupe est composé de représentants du Medef, de l’Union des Industries Chimiques, de Nestlé et d’Unilever et des Ministères concernés, auxquels s’adjoignent deux représentants d’associations, mais pas d’associations de consommateurs ni de syndicats ouvriers.

Les agences publiques chargées de protéger la santé de la population ne font pas preuve d’un grand enthousiasme pour les nanos, mais longtemps aucune n’a pris résolument la question en mains. Comme excuse il est répliqué : « il n’y a plus de toxicologues indépendants » ; ce qui n’est pas totalement inexact puisque l’enseignement de la toxicologie n’existe plus en France depuis des années et que les derniers toxicologues périssent de vieillesse les uns après les autres…

En 2006, l’AFSSET (Agence Française de Sécurité Sanitaire et de l’Environnement) avait élaboré un rapport sur les effets des nanos sur la santé de l’homme et sur l’environnement mais il a fallu attendre mai 2014 pour que l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire émette un avis qui alerte,  réclame un encadrement des nanos et leur inscription dans les étiquettes. Mais en attendant un suivi de cet avis, les travailleurs de l’industrie restent les cobayes humains d’une longue expérience puisqu’il est prévisible que les possibles effets sanitaires n’apparaissent qu’après plusieurs décennies d’exposition, comme ce fut le cas pour l’amiante.
A un moindre degré tous les consommateurs du monde restent soumis aux mêmes aléas.

UNE EXPOSITION A UN RISQUE INCONTROLÈ
Techniciens et industriels, quand on les interroge, assurent que les nanos sont sans danger : comme il est écrit dans l’Encyclopédie : « il n’y a aucune certitude d’un réel danger » avec les nanos mais il n’y a certainement non plus aucune certitude d’une réelle sécurité d’emploi ! Certains s’abstiennent de communiquer sur le sujet. Le secret est explicitement avancé, dans des cercles confidentiels, comme la garantie du succès commercial de cette découverte. La faillite, au moins partielle, des OGM en Europe leur a enseigné qu’il valait mieux introduire discrètement les nouveautés dans les produits de consommation courante avant d’en parler trop.

DES APPLICATIONS MÈDICALES PROMISES
A l’enquêteur indiscret on fera de plus valoir que les nanos ont permis le développement du repérage de l’A.D.N., une meilleure connaissance des maladies génétiques et qu’elles vont même faire progresser la thérapeutique grâce à de nouveaux dispositifs de traitement, pour les cancers en particulier. L’idée de faire porter des médicaments par une structure nanométrique tenant le rôle d’une éponge est intéressante. De telles structures en réceptacles biodégradables ont été réalisées ; encore faudra-t-il être vigilant concernant les produits de dégradation. Pour l’instant la réalisation de telles structures en téréphtalates de chrome et même en dérivés ferreux laisse un peu songeur et les quelques essais effectués dans le domaine médical n’ont pas été concluants.
L’idée de mini-sondes capables d’explorer le corps humain de façon inoffensive semble davantage réaliste. Enfin la miniaturisation que les nanos permettent rendent envisageables des implants corrigeant des déficits sensoriels ou moteurs.
Mais les applications utiles justifient-elles toutes les autres ?

FAUDRAIT-IL CONDAMNER LA RECHERCHE ?
Certainement pas : ce n’est pas la recherche qui est condamnable dans le cas présent. Ce qui est condamnable c’est l’absence de contrôle et l’ignorance dans laquelle on a laissé travailleurs et utilisateurs. Il manque un nécessaire et rigoureux contrôle des applications de la recherche L’inscription du principe de précaution dans la Constitution de la V° République n’a rien changé, et c’est toujours à l’usager de prouver la nocivité d’un produit auquel il a été exposé.
Poser le problème dans sa généralité est, dans le cas présent, inadéquat.
Les nanoparticules des embruns maritimes sont sans danger ; du temps où ils n’étaient pas pollués, il avait été même montré qu’ils étaient bénéfiques pour la santé des populations côtières. Par contre l’expérience a mis en évidence l’extrême dangerosité des nanos de la silice des mines et de l’amiante. 
On ne peut donc répondre à la question de façon globale et il est nécessaire d’examiner chaque sorte de nanoparticule.

Un contrôle aurait du intervenir avant toute production de masse et avant toute commercialisation ; sont concernées en premier lieu les  conditions de production des nanoparticules et des nanos structures (ces constructions faites à partir d’atomes ou de molécules que l’on sait faire aujourd’hui).
Le contrôle doit concerner aussi bien les produits envisagés en eux-mêmes que leurs produits de dégradation. Enfin le contrôle doit être effectué par une autorité totalement indépendante des intérêts industriels et commerciaux en jeu.
Dans le cas des nanoparticules les possibles interactions avec la cellule vivante sont telles que cela justifierait la mise en œuvre d’une A.M.M. (Autorisation de Mise sur le Marché). Il y a là du travail à faire quand on voit combien l’A.M.M. existant pour les médicaments  a du mal à être un contrôle réel, ce qui signifie d’abord que l’impératif premier soit la santé des travailleurs et des consommateurs. Le contrôle des nanos pourrait profiter des leçons à tirer de la longue histoire de l’A.M.M. des médicaments et éviter d’en reproduire les errements.

                                                                Fin

Sources
1° « Quand le toxique se fait nanomètrique »
      émission de Stéphane Deligeorges et Roger Langlet – France Culture – Automne 2014
2° « Dossier pour la science » N° 79 Avril-Juin 2013
3° « Nanosciences, la révolution invisible » C. Joachim et L. Plévert - Le seuil – 2008
4° « Faut-il avoir peur des nanomatériaux ? » N.Allain  « L’alliée de votre avenir » Déc 2014
5° « Encyclopédia Universalis » F. Marano  2008