NANOPARTICULES
Quelques applications
géniales… mais les autres ?
Tout objet de dimension comprise entre un et mille nanomètre
peut être dénommé nanoparticule, étant entendu qu’un nanomètre égale un
milliardième de mètre. Un nanomètre représente à peu prés la taille d’un groupe
de dix atomes : à ce niveau les lois de la physique habituelle commencent
à céder le pas à celles de la physique quantique.
DANS LA
NATURE, il existe, « depuis toujours » des nanoparticules auxquelles notre organisme
s’est adapté, c’est le cas des embruns marins.
ACTIVITÉS INDUSTRIELLES .
D’autres sont issus des
activités industrielles : les mineurs ont payé leur tribut aux
nanoparticules de silice ou d’oxyde de fer ; les travailleurs et les usagers
de l’amiante n’ont pas fini de subir les conséquences de leur exposition. Pas
de défenses non plus vis-à-vis des poussières ultra fines des fumées du diesel.
CRÉATION DE NOUVELLES NANOPARTICULES :
DEPUIS 1990, des chercheurs ont appris à créer des
nanoparticules nouvelles. Des applications industrielles ont rapidement été
mises en route.
Aujourd’hui, plus de mille usines produisent un millier de
nanos différentes et l’on compte plus de 3500 industries utilisatrices
déclarées dans toutes sortes de secteurs d’activité. Le développement est très
rapide : 40 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2001, 500
milliards, pour une production de 250000 tonnes, en 2008, et, selon les
sources, de 1000 à 2500 milliards de
chiffre pour une production de 500000 tonnes en 2012.
L’État français n’est pas pour rien dans l’expansion de
cette technologie, il a beaucoup investi dans ce secteur et poursuit cet
investissement à raison d’un milliard d’euros par an. Il existe une intense
collaboration entre le pôle Minatec de Grenoble, le C.N.R.S. (Centre National
de la Recherche Scientifique),
le C.E.A. (Commissariat à l’Énergie Atomique) et les industriels intéressés.
Au départ les nanoparticules ont été présentées comme des
« objets physiques » ce qui a permis de passer à côté de la
législation européenne concernant les produits chimiques (programme REACH) et
d’échapper à l’obligation d’effectuer des recherches de toxicité avant toute
mise sur le marché.
LE PATRIMOINE GÉNÉTIQUE SANS DÉFENSE
Dés le début des scientifiques ont alerté sur une
potentielle dangerosité de ces produits, dangerosité liée à leur très petite taille,
très inférieure à celle des cellules vivantes. Ces tout petits objets peuvent franchir
les barrières élevées par les organismes vivants ( plantes, animaux et
humains) pour se protéger des microbes
de toutes sortes. Une peau saine les arrête mais la moindre irritation fait
céder cet obstacle. Respirées ou ingérées, elles peuvent traverser les
muqueuses et parvenir ainsi dans le sang, voire dans le placenta et les
méninges et donc parvenir à l’embryon, au fœtus et au cerveau.
Ainsi mises au contact des cellules des différents organes
du corps, les nanos ont la capacité de traverser leurs membranes, de pénétrer
dans leurs mitochondries, qui assurent le
fonctionnement cellulaire, et aussi dans leur noyau et leur ADN. La
cellule peut alors, selon le point d’impact, dysfonctionner, dépérir ou muter.
Par le même mécanisme que celui qui est suivi par les plus fines fibres
d’amiante, les nanos ont ainsi la capacité de cancériser l’organe atteint.
Les préoccupations
pour la santé seraient-elles des phantasmes, comme veulent nous le faire croire
certains physiciens ?
Dés les années 1990, l’étude des P.U.F. (particules ultra
fines), en réalité de la taille des nanos, avait été faite sur les fumées
industrielles et la combustion du fuel et du diesel. Les travaux effectués
s’appuyaient sur des données toxicologiques et sur ce qui avait été constaté
sur des populations exposées. Leur conclusion fut que ces particules étaient
cancérigènes et également nocives pour le cœur et les vaisseaux.
Cela s’explique ainsi : les particules fines et
ultrafines provoquent une inflammation des organes atteints. Si celle-ci
persiste des années, on peut voir apparaître des maladies cardiovasculaires ou
une dégénérescence cérébrale, on peut voir une bronchite chronique se
transformer en fibrose ou en cancer du poumon. L’inflammation passe, dans ces
cas, par l’émission d’agents oxydants, et en particulier de radicaux libres.
Les études réalisées sur des animaux ont montré la nocivité
de diverses nanos, y compris des nanotubes de carbone, dont on aurait pu
espérer qu’ils soient moins dangereux que des nanos d’aluminium ou de silicium.
La voie de pénétration la plus fréquente est le passage par
les voies respiratoires.
L’expérience de l’amiante, connu comme cancérigène depuis
des décennies mais dont l’emploi fut longtemps justifié par les industriels et
l’`État, aurait du alerter et amener les
instances sanitaires à réagir vigoureusement. Ce n’est manifestement pas le
cas.
Seule la position de la Lloyd est claire : cet « assureur des
assureurs » refuse de couvrir les risques sanitaires engendrés par les
nanos. La Lloyd
prend ici la même position que celle qu’elle a toujours prise vis-à-vis du nucléaire. Mais ce nouvel
avertissement n’est pas davantage entendu. Comme pour les victimes de l’amiante,
c’est le contribuable qui paiera ; et l’addition risque d’être beaucoup
plus lourde !
Mais cela est secondaire : l’argent ne rend pas la
santé!
Pour l’instant et DANS UNE GRANDE DISCRÉTION, de nouveaux
pneus, plus souples et plus antidérapants, des textiles qui évacuent les
odeurs, effacent les taches et tuent les microbes, des semelles qui ne sentent
jamais les pieds, des verres de lunettes ou des vitres qui s’auto-nettoient,
des cuirs plus souples, des dentifrices plus antiseptiques, des armes qui tuent
mieux, des cosmétiques plus doux et plus beaux, des crèmes solaires
transparentes, des articles de sport plus solides et plus légers, du sucre en
poudre ou du sel qui se s’agglomèrent jamais, sans oublier des aliments moins
périssables, contiennent déjà des nanos d’argent, de silicium, de carbone, de
titane ou d’alumine…ceci pour notre plus grand confort et parce
que : « nous le valons bien ». Les plus grandes
utilisations concernent actuellement les pneumatiques, les cosmétiques, les
ciments et l’électronique. Plus de 200 produits de grande consommation en 2006,
et plus de 500 en 2008 contiennent des nanos sans que jamais leur présence soit
signalée, et ceci en toute légalité.
Ainsi, sans le savoir, nous en mangeons, nous en absorbons
par notre peau dés quelle est rasée ou irritée et nous en respirons, même dans
la rue où circulent les poussières provenant de l’usure des pneus.
Les intérêts de l’Ètat et la pression des industries
utilisatrices ont abouti à l’absence de toute réglementation : la seule contrainte
lorsqu’on utilise des nanoparticules consiste en une déclaration à faire
auprès de l’administration.
Mais,
rassurez-vous, un groupe de réflexion informel, aux travaux confidentiels,
étudie de possibles assouplissements à cette dure obligation ! Ce groupe
est composé de représentants du Medef, de l’Union des Industries Chimiques, de
Nestlé et d’Unilever et des Ministères concernés, auxquels s’adjoignent deux
représentants d’associations, mais pas d’associations de consommateurs ni de
syndicats ouvriers.
Les agences publiques chargées de protéger la santé de la
population ne font pas preuve d’un grand enthousiasme pour les nanos, mais longtemps
aucune n’a pris résolument la question en mains. Comme excuse il est répliqué : « il
n’y a plus de toxicologues indépendants » ; ce qui n’est pas
totalement inexact puisque l’enseignement de la toxicologie n’existe plus en
France depuis des années et que les derniers toxicologues périssent de
vieillesse les uns après les autres…
En 2006, l’AFSSET (Agence Française de Sécurité Sanitaire et
de l’Environnement) avait élaboré un rapport sur les effets des nanos sur la
santé de l’homme et sur l’environnement mais il a fallu attendre mai 2014 pour
que l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire émette un avis qui alerte, réclame un encadrement des nanos et leur
inscription dans les étiquettes. Mais en attendant un suivi de cet avis, les
travailleurs de l’industrie restent les cobayes humains d’une longue expérience
puisqu’il est prévisible que les possibles effets sanitaires n’apparaissent
qu’après plusieurs décennies d’exposition, comme ce fut le cas pour l’amiante.
A un moindre degré tous les consommateurs du monde restent
soumis aux mêmes aléas.
UNE EXPOSITION A UN RISQUE INCONTROLÈ
Techniciens et industriels, quand on les interroge, assurent
que les nanos sont sans danger : comme il est écrit dans l’Encyclopédie :
« il n’y a aucune certitude d’un réel danger » avec les nanos mais il
n’y a certainement non plus aucune certitude d’une réelle sécurité
d’emploi ! Certains s’abstiennent de communiquer sur le sujet. Le secret
est explicitement avancé, dans des cercles confidentiels, comme la garantie du
succès commercial de cette découverte. La faillite, au moins partielle, des OGM
en Europe leur a enseigné qu’il valait mieux introduire discrètement les
nouveautés dans les produits de consommation courante avant d’en parler trop.
DES APPLICATIONS MÈDICALES PROMISES
A l’enquêteur indiscret on fera de plus valoir que les nanos
ont permis le développement du repérage de l’A.D.N., une meilleure connaissance
des maladies génétiques et qu’elles vont même faire progresser la thérapeutique
grâce à de nouveaux dispositifs de traitement, pour les cancers en particulier.
L’idée de faire porter des médicaments par une structure nanométrique tenant le
rôle d’une éponge est intéressante. De telles structures en réceptacles
biodégradables ont été réalisées ; encore faudra-t-il être vigilant
concernant les produits de dégradation. Pour l’instant la réalisation de telles
structures en téréphtalates de chrome et même en dérivés ferreux laisse un peu
songeur et les quelques essais effectués dans le domaine médical n’ont pas été
concluants.
L’idée de mini-sondes capables d’explorer le corps humain de
façon inoffensive semble davantage réaliste. Enfin la miniaturisation que les
nanos permettent rendent envisageables des implants corrigeant des déficits
sensoriels ou moteurs.
Mais les applications utiles justifient-elles toutes les
autres ?
FAUDRAIT-IL CONDAMNER LA RECHERCHE ?
Certainement pas : ce n’est pas la recherche qui est
condamnable dans le cas présent. Ce qui est condamnable c’est l’absence de
contrôle et l’ignorance dans laquelle on a laissé travailleurs et utilisateurs.
Il manque un nécessaire et rigoureux contrôle des applications de la recherche L’inscription
du principe de précaution dans la Constitution de la V° République n’a rien changé, et c’est toujours
à l’usager de prouver la nocivité d’un produit auquel il a été exposé.
Poser le problème dans sa généralité est, dans le cas
présent, inadéquat.
Les nanoparticules des embruns maritimes sont sans
danger ; du temps où ils n’étaient pas pollués, il avait été même montré
qu’ils étaient bénéfiques pour la santé des populations côtières. Par contre
l’expérience a mis en évidence l’extrême dangerosité des nanos de la silice des
mines et de l’amiante.
On ne peut donc répondre à la question de façon globale et
il est nécessaire d’examiner chaque sorte de nanoparticule.
Un contrôle aurait du intervenir avant toute production de
masse et avant toute commercialisation ; sont concernées en premier lieu
les conditions de production des nanoparticules
et des nanos structures (ces constructions faites à partir d’atomes ou de
molécules que l’on sait faire aujourd’hui).
Le contrôle doit concerner aussi bien les produits envisagés
en eux-mêmes que leurs produits de dégradation. Enfin le contrôle doit être
effectué par une autorité totalement indépendante des intérêts industriels et
commerciaux en jeu.
Dans le cas des nanoparticules les possibles interactions avec
la cellule vivante sont telles que cela justifierait la mise en œuvre d’une
A.M.M. (Autorisation de Mise sur le Marché). Il y a là du travail à faire quand
on voit combien l’A.M.M. existant pour les médicaments a du mal à être un contrôle réel, ce qui
signifie d’abord que l’impératif premier soit la santé des travailleurs et des
consommateurs. Le contrôle des nanos pourrait profiter des leçons à tirer de la
longue histoire de l’A.M.M. des médicaments et éviter d’en reproduire les errements.
Fin
Sources
1° « Quand le toxique se fait nanomètrique »
émission de
Stéphane Deligeorges et Roger Langlet – France Culture – Automne 2014
2° « Dossier pour la science » N° 79 Avril-Juin
2013
3° « Nanosciences, la révolution invisible » C.
Joachim et L. Plévert - Le seuil – 2008
4° « Faut-il avoir peur des nanomatériaux ? »
N.Allain « L’alliée de votre
avenir » Déc 2014
5° « Encyclopédia Universalis » F. Marano 2008