La maladie a-t-elle un sens
Pour
le médecin, la maladie est un mal qu’il faut annihiler ou, au moins,
réduire.
Et c’est bien ainsi, car il n’est formé qu’à soigner les corps :
les neurosciences ont certes ouvert des perspectives inouïes mais les médecins
en exercice n’ont reçu aucun enseignement à leur sujet.
Pourtant,
historiquement, ce sont des médecins
qui, en cherchant à mieux soigner, ont fait avancer les connaissances sur
l’être humain. Dans notre civilisation moderne, cette investigation est restée
centrée sur le corps considéré, depuis des siècles, comme une superbe machine.
Cette orientation a abouti, au XIX° siècle, à une séparation totale entre la
médecine du corps et celle de l’esprit, séparation encore inscrite aujourd’hui
dans le système de soin autant que dans la mentalité de nos contemporains. Si
l’on en reste à cette conception, la maladie n’a que des causes matérielles que
l’on a découvert ou que l’on va découvrir un jour, quitte à l’attribuer au
hasard quand ces causes s’avèrent improbables.
Pour
celui que la maladie atteint, celle-ci est-elle simplement la conséquence de
causes connues ou non ?
Pour l’un, pose-t-elle un problème rationnel ou
métaphysique, pour un autre n’est-elle qu’un en…nui sans queue ni tête sur
lequel il n’y a pas lieu de gloser ? Mais, surtout quand cette maladie est
grave, la personne atteinte n’est-elle pas tentée de se poser la
question : « Pourquoi moi ?
Et pourquoi maintenant ? »
La maladie est-elle un échec ou une
défaite ?
L’existence est-elle un jeu, est-elle un combat ? La vie
jouerait-elle aux dés ou à la guerre ?
L’idée
qu’une maladie soit la conséquence d’une faute est très ancienne dans notre
civilisation qui a ses racines à la fois dans le stoïcisme et le rationalisme
grecs et dans les religions hébraïque et chrétiennes pauliniennes. Cette
conception justifiait le rejet des
malades contagieux ou soupçonnés de l’être.
Pourtant, si l’on regarde bien la Bible,
il y a l’histoire extraordinaire de Job très mal en point et de ses amis qui veulent le convaincre d’une faute qu’il aurait
à expier mais Job se rebelle, il n’a rien à se reprocher et Yahvé
finalement lui donne raison…
Dans les Évangiles et à plusieurs reprises Jésus fait bien la distinction entre
« le péché » et la maladie : la Vie ne condamne pas, elle peut
tout dépasser.
Cependant des théologiens chrétiens ont considéré que les
douleurs engendrées par la maladie pouvaient devenir une participation aux
souffrances du Christ en sa Passion. Cela aboutit parfois à magnifier la
souffrance et même à la rechercher, ce que l’on retrouve, pour d’autres
motivations chez les mystiques d’autres religions, comme l’indouisme, certains
sectes chiites et même chez certaines branches du bouddhisme, alors que le
Bouddha lui-même avait rejeté la voie ascétique.
Il
n’est pas aisé de se débarrasser du poids de croyances millénaires portées par
la culture ambiante même quand, raisonnablement on sait que, malade, il n’y a lieu
de se sentir ni coupable ni honteux.
La
maladie serait-elle le fruit d’une erreur ? Mais qui peut prétendre
détenir les secrets d’une santé parfaite dans ce monde ? La santé comme la maladie ne découlent-elles
pas de multiples facteurs, dont beaucoup, génétique, environnement et
conditions de vie et de travail, échappent à l’individu ?
Pour
Hippocrate, qui soignait l’être humain globalement, la maladie signifie qu’il y
a eu un désordre dans l’existence. Mais
du sens éventuel de la survenue de cet obstacle, seul le sujet est détenteur.
Catherine Kousmine ne se situe-t-elle pas
dans cette vision quand elle décrit les tumeurs comme des issues
trouvées par l’organisme et dont on peut se remettre ?
L’équipe
de Santé pour Tous s’est divisée sur ce sujet. Pour plusieurs d’entre nous, la
maladie n’est pas un échec, mais plutôt un événement devant lequel le sujet
peut se sentir d’abord sidéré comme devant un serpent. Cet événement peut
représenter un obstacle, une pierre d’achoppement sur le cheminement personnel.
La pierre une fois levée, contournée, ou emportée…ne serait-elle pas porteuse
d’un enseignement, un facteur d’évolution, l’occasion d’une redécouverte de
soi ?