lundi 20 août 2018
la maladie d'Alzheimer
« Alzheimer,
le grand leurre » *
(notes de lecture)
Le
titre est intrigant, voire provocateur ; ce livre éclaire les questions
que se posent les médecins et les aidants devant une affection bien difficile à
définir, sorte de fourre-tout cachant une grande ignorance.
Le
Professeur Olivier Saint-Jean reprend l’histoire de cette curieuse
« maladie », décrite par un médecin, le docteur Aloïs Alzheimer en
1907 et tombée dans l’oubli pendant cinquante ans. Alors que la patiente du
docteur Alzheimer n’avait qu’une cinquantaine d’années, des neurologues, un
demi-siècle plus tard appliquent sa description à quasi toutes les
« démences séniles », à ce qu’on dénommait vulgairement
« gâtisme » ou « retombée en enfance » : la
« neuro-dégénérescence » décrite sur des pièces d’autopsie remplaçant
la démence, tous les patients cessaient de relever de la psychiatrie, des
médicaments spécifiques pouvaient être cherchés …et vite promus avant même
d’avoir fait quelque preuve que ce soit.
Autre
conséquence de ce tour de passe-passe et confusion supplémentaire, cette
« maladie » frappant surtout des personnes âgées et finissant par
entraîner une dépendance allait se
trouver « soignée » dans des Ehpads (Établissements hospitaliers pour
personnes âgées dépendantes) par des neurologues et des gériatres alors que,
dans la plupart des cas, leur hospitalisation était provoquée par des troubles
psychiatriques bien plus difficiles à supporter que les pertes d’autonomie. Une
assistance psychologique incluse et coordonnée avec les autres aides pourrait
bien souvent permettre le maintien à domicile en soulageant suffisamment les
aidants, mais vues l’absence de remboursement des psychothérapies et
l’inexistence actuelle d’une indispensable coordination, la seule solution est
la mise en Ehpad.
Ces établissements étant fort démunis en personnel de base et
encore davantage en psychothérapeutes, orthophonistes, kinésithérapeutes et
animateurs, les patients qui y sont enfermés y bénéficient d’un service
minimum, régressent rapidement et dépérissent. En faisant payer la dépendance
par les familles et non par la Sécurité Sociale, contrairement à ce qui se
passe lorsque « la maladie d’Alzheimer » frappe à cinquante ans, le
système actuel ajoute une note de discrimination à une absence de réelle prise
en charge. Tout cela arrange bien les
affaires de gouvernements successifs désireux de réduire la voilure dans le
domaine de la solidarité publique, quitte à mettre sous le boisseau la loi de
2007 instituant contrôles et précautions lors de tout internement sans
consentement !
Un
livre à lire pour ceux qui sont directement impliqués dans cette
« maladie », qui n’en pas une
si l’on en croit l’auteur, et qui, quoi qu’on en pense, pose bien des
questions à notre société, mais aussi un
livre précieux pour ceux qui s’interrogent de façon générale sur la maladie, le
vieillissement et la prévention non médicamenteuse, toujours aussi négligée par
les Ministères de la Santé, sans oublier le petit bijou de « l’histoire de
Germaine », racontée à la fin du livre !
Luc
*Alzheimer
le grand leurre – Pr Olivier Saint-Jean
et Eric Favereau – éd Michalon – 2018 – 17 E