Depuis 1994, fait sans précédent, 20 millions de français ont été vaccinés contre l'hépatite B, sans qu'obligation leur en soit faite.
En septembre 1994, le ministre de la Santé, le docteur Douste-Blazy, parlait, à la télévision, de 3000 décès et de dizaines de milliers de nouveaux cas par an. L'ampleur déclarée de la maladie semblait justifier de recourir sans tarder à ce nouveau vaccin. Une campagne intensive de promotion, sponsorisée par les producteurs de vaccins, mais avalisée par les autorités, entraina, fin 1994, une ruée qui provoqua même une pénurie passagère !
S'AGIT-IL DONC D'UN PROBLEME DE SANTE MAJEUR ?
L'HEPATITE B correspond à une infection du foie par un virus particulier. Il existe au moins sept virus liés à des hépatites ( de A à G ). Les hépatites A, B et C sont les mieux connues. L'hépatite A est généralement sans gravité. L'hépatite C est la plus dangereuse. Elle est, en France, nettement plus répandue que la B et bien plus souvent suivie de conséquences graves: le risque de cirrhose, altération grave des cellules du foie, est 15 à 50 fois plus élevé ;
COMMENT L'HEPATITE B MENACE-T-ELLE LA SANTE ?
Les conséquences graves sont de deux ordres:
-immédiatement, dans un pour cent des cas, survient une hépatite aigue fulminante, souvent mortelle en quelques jours.
-beaucoup plus tard, le passage à la chronicité peut aboutir à une cirrhose ou à un cancer du foie, 10 à 40 ans après la contamination.
QUEL EST LE RISQUE DE FAIRE UNE CIRRHOSE ET UN CANCER ?
Concrètement, si l'on part de 1000 contaminés, 890 à 940 vont guérir spontanément, seuls 50 à 100, selon les estimations, seront porteurs d'une hépatite chronique, le plus souvent sans s'apercevoir de rien si on ne leur fait pas de prise de sang. Un bon nombre de ces hépatites chroniques vont elles aussi guérir spontanément, d'autres vont se prolonger indéfiniment. Des dizaines d'années après, sur les 1000 contaminées, entre 5 et 25 personnes déclareront une cirrhose qui pourra se compliquer, une fois sur deux ou une fois sur six selon les diverses estimations, par un cancer du foie.
Que ce soit, de façon immédiate, par hépatite fulminante, ou différée, par cirrhose ou par cancer, les décès dus à l'hépatite B en France sont estimés par l'I.N.S.E.R.M. (Institut National de la Santé Et de la Recherche Médicale) entre 5OO et 1000 par an, et non pas 3000, comme a dit le Ministre.
S'AGISSAIT-IL D'UNE EPIDEMIE INQUIÉTANTE ?
Avant toute vaccination de masse, le même Institut ESTIMAIT à 20.000 par an le nombre des nouvelles contaminations-tous les chiffres mis en avant ne sont que le fruit d'estimations statistiques.
En fait l'ampleur de "l'épidémie" était très mal connue: aucune enquête n'a été menée pour établir avec précision le nombre de décès et le nombre des malades en relation avec le virus de l'hépatite B en France, les médecins n'étaient et ne sont toujours pas tenus de déclarer les cas d'hépatite B qu'ils détectent.
Le dépistage systématique effectué chez les donneurs de sang n'a jamais révélé de contamination importante.
Les relevés ponctuels faits avant 1994, étaient en faveur d'une tendance à la diminution progressive, c'est même ce qui ressort d'un tableau reproduit dans un dépliant largement distribué par le Comité Français pour l'Adolescence préconisant la vaccination: ce tableau, fourni pour montrer que l'hépatite est surtout fréquente dans la tranche d'âge allant de 15 à 24 ans, montre aussi que la fréquence de la maladie avait nettement baissé au cours des années étudiées (1985 à 1988), avant toute vaccination de masse. La même évolution en baisse est constatée par l'Organisation Mondiale de la Santé dans tous les pays d'Europe, y compris ceux qui n'ont pas entrepris de vaccination de masse
Cette observation est tout à fait logique puisque l'hépatite B a été largement répandue en France par les transfusions sanguines effectuées avant la réalisation systématique du test de dépistage chez les donneurs de sang. L'introduction progressive de ce dépistage allait faire chuter la fréquence des contaminations
COMMENT L'HEPATITE B SE TRANSMET-ELLE ?
Comme l'hépatite C et le Sida, l'hépatite B se transmet d'abord par le sang et, semble-t-il, beaucoup plus facilement (probabilité 100 fois plus élevée), y compris lors de l'accouchement‑
La deuxième modalité de transmission reconnue par tous vient des rapports sexuels, surtout s'ils sont à risques: partenaires multiples, maladies sexuelles transmissibles concomitantes, rapports anaux. On reconnait, là aussi, une grande similitude avec le Sida.
La transmission par la salive a été affirmée sans hésitations par les promoteurs de la vaccination. On la retrouve encore citée assez souvent pour entretenir cette notion dans l'opinion publique et même médicale.
Le doute provient essentiellement du fait qu'il a été constaté qu'au sein d'une collectivité fermée (famille, établissement de long séjour...) la vie commune prolongée s'accompagnait d'un certain nombre de transmissions sans échange de sang ni contact sexuel connus.
Aujourd'hui il n'existe AUCUNE PREUVE qu’un mode de contamination par la salive existe réellement. Un essai de transmission par la salive, effectué sur des chimpanzés sensibles au virus, a totalement échoué,
UNE PREVENTION POLYVALENTE
De ces modes de contamination découlent des mesures de prévention. Le dépistage chez les donneurs de sang et les femmes enceintes, l'emploi du préservatif sont des mesures évidentes qui ont l'avantage d'être communes à la prévention du Sida.
UNE VACCINATION EFFICACE
Mais, contrairement au cas du Sida, il existe, vis-à-vis de l'hépatite B, une possibilité de vaccination dont l'efficacité a été démontrée: la vaccination du personnel de soin a stoppé net les contaminations qu'on observait fréquemment dans des services comme ceux qui assurent les hémodialyses chez les insuffisants rénaux.
La vaccination comporte trois injections, à un mois d'intervalle, la première année, un rappel l'année suivante. Un autre schéma se contente de deux injections à un mois d'intervalle, et d'un rappel six mois plus tard. Il est conseillé de faire ensuite un rappel cinq ou dix ans plus tard.
UN TRAITEMENT POSSIBLE MAIS ALEATOIRE
Il n'y a guère de traitement efficace des hépatites fulminantes, si ce n'est le possible recours à une greffe du foie.
Dans les hépatites chroniques l'interféron alpha et la vidarubine ont une efficacité immédiate limitée: les tests sanguins se négativent chez 40% des sujets dans les publications les plus encourageantes. L'efficacité à long terme reste à prouver.
ON COMPREND QU'IL SOIT TENTANT D'EVITER LA MALADIE PAR LA VACCINATION, MAIS LE VACCIN EST-IL INOFFENSIF ?
Qu'en est-il de la survenue, après cette vaccination, de maladies graves concernant principalement le système nerveux, scléroses en plaques ou myélites, ou d'autres maladies auto-immunes ?
Le fait qu'une maladie succède à une vaccination ne permet pas d'affirmer la responsabilité du vaccin mais il doit attirer l'attention et rendre prudent.
La position des autorités sanitaires sur ce sujet est que cette vaccination pourrait révéler une prédisposition préexistante; cependant l'on ne connait pas grand-chose de cette prédisposition supposée.
DISPOSER D'UN VACCIN JUSTIFIE-T-IL UNE VACCINATION MASSIVE ?
Il était certes impossible, en 1994, de savoir si les vaccins récemment découverts et qui allaient être utilisés massivement, pourraient ou non révéler ultérieurement des complications. La connaissance ne disposait pas du recul nécessaire.
La sagesse aurait consisté à ne pas généraliser une intervention médicale encore trop peu connue dans ses effets à l'échelle d'une population. Le principe de précaution, comme on l'appelle aujourd'hui, aurait amené à attendre quelques années pour disposer enfin d'études systématiques fiables qui sont forcément longues.
Enfin il ne faut pas oublier que la vaccination n'est pas la seule prévention possible, elle ne devrait en aucun cas faire négliger les mesures générales de protection, comme le signale le témoignage d’Anne Muscat.
Le temps des décisions prises sans concertation n'est-il pas révolu ?
D'AUTRES QUESTIONS SE POSENT
Ne faudrait-il pas clarifier les responsabilités et les fonctions dans le domaine de la santé ? Une campagne en faveur d'une technique de prévention, ou de soins, peut-elle être menée sans risque de dérapage dés lors que les producteurs de cette technique (vaccin ou médicament) participent à sa promotion ?
Etait-il judicieux de consacrer au problème de l'hépatite B des moyens aussi importants ( 1,7 milliards de francs la première année) ? Rappelons que c'est précisément en 1994 que le Haut Comité de Santé Publique établissait, dans son premier rapport général, une liste de 17 priorités en Santé Publique où l'on ne retrouve pas l'hépatite B.
Ne faudrait-il pas éviter de répéter les mêmes erreurs avec le vaccin contre l'hépatite A ?
COMBAT CONTRE L' HEPATITE *
Ce récit est le témoignage concret d'un service d'hémodialyse où l'hépatite B était l'ennemi numéro 1 des malades et du personnel.
Je travaille dans ce service depuis 23 ans et je peux vous confirmer que nous n'avions droit ni à l'erreur, ni à la maladresse compte tenu de la virulence de celle-ci. La forte demande en transfusion sanguine, vu l'anémie constante qu'engendre l'insuffisance rénale, donnait à notre hépatite l'occasion de se produire à la moindre occasion.
Les techniques de l'époque étaient loin d'assurer une protection efficace. La seule aide fut l'injection d'immunoglobuline Anti HBs en intramusculaire toutes les 4 à 6 semaines. La protection restait imparfaite suivant le laps de temps qu'il y avait entre 2 injections. De plus, celle-ci n'était pas administrée aux femmes enceintes.
A peu près au même moment (1977-78), une sectorisation fut instaurée. C'est à dire que les nouveaux patients mis en dialyse, n'étant pas porteurs de l'hépatite B, étaient dialysés dans une autre salle n'ayant pas contact avec les autres malades.
De ce fait, est né un secteur « positif » et un « secteur négatif » . Puis, pour renforcer la lutte, l'évolution importante des techniques, le port de gants systématique et obligatoire, la vaisselle et le linge à usage unique pour le secteur positif, la vaccination des malades et du personnel (1982/83) fit enfin reculer ce redoutable virus. Notre mur, assurant la séparation des secteurs, semblait presque inutile et peut être même serait-il tombé pour réunir équipes et malades.
Mais au loin, arrivaient, en sourdine, le SIDA (1985) et l'hépatite « ni A ni B », appelée C depuis 1988. Notre combat ne cessera d'être nécessaire
en n'ayant, cette fois, comme allié, que la prévention. Le problème des transfussions sanguines, quant à lui. est réglé grâce au dépistage effectué chez les donneurs de sang, à l'utilisation de l'érythropoiêtine chez les dialysés (hormone favorisant la fabrication du globule rouge) évitant le recours aux transfusions répétées ainsi qu'à la stérilisation entre chaque dialyse.
Le V de Victoire eut un court règne et celui de Vigilance reste notre devise.
Anne Muscat*