lundi 1 février 2016

QUELLES ACTIONS PUBLIQUES CONTRE LES ADDICTIONS ? (suite)



         ALCOOLISATION ET TABAGISME SONT ÉTROITEMENT LIÉS
LES BOISSONS ALCOOLISÉES sont consommées en France depuis fort longtemps Certes on observait déjà ivresse et ivrognerie ; mais ces phénomènes étaient ponctuels ce qui n’est plus le cas depuis 150 ans. C’est en effet seulement depuis 1850 environ que s’est développé et installé dans notre pays  un ALCOOLISME chronique massif.(5)  Les ligues antialcooliques, apparues en France à la fin du XIXe siècle, vont d’emblée stigmatiser le buveur excessif; elles ont abouti à l'interdiction de l'absinthe en 1915 et aux réglementations restrictives du nombre de débits de boisson. On peut douter de leur efficacité.

Le travail des Centres d'Hygiène Alimentaire, créés après la seconde guerre mondiale, outre un certain nombre de guérisons individuelles, a eu le grand mérite de considérer enfin l'alcoolique comme un malade souffrant d'une addiction. Après la seconde guerre mondiale, l’alcoolisme touchait très principalement des adultes. La consommation de boissons alcoolisées chez les jeunes a commencé à croitre dans les années 70.   
Le fond du problème a été développé (4) : les principales causes de l’alcoolisme sont sociales : « chaque fois qu’une société …promeut l’individualisme et la compétition, la tentation est grande d’aller chercher une nouvelle sociabilité dans la boisson »(6).  Le premier devoir de l'Etat aurait été de promouvoir les recherches scientifiques nécessaires incluant les facteurs psychologiques et sociaux ; celles-ci sont encore rares et principalement étrangères. Il pourrait  alors être question d'actions de fond.

Si l'on s'en tient à ce qui est déjà connu, il serait prioritaire de lutter efficacement contre l'exclusion sociale. Comme toute toxicomanie, l'alcoolisme guette celui dont la vie en société devient trop difficile, quand on n'a plus sa place et que s'installe le sentiment d'un rejet irrémédiable, souvent associé à l'indifférence, quand ce n'est pas au mépris.

L'exclusion elle-même est la conséquence obligée de l'organisation sociale et économique actuelle, elle ne saurait reculer à coup de mesurettes ponctuelles ni de législation répressive.

      Une CONSOMMATION ABUSIVE sans dépendance est une situation fréquente en France.Il ne s'agit pas de toxicomanie,  même si cela peut y mener, mais de simples habitudes néanmoins délétères pour la santé. Les consommateurs abusifs demeurent longtemps sensibles au discours hygiéniste, encore faut-il qu'il soit diffusé de façon intelligente, partout et tout le temps. Là, des mesures fiscales adaptées et une suppression de toute publicité peuvent être efficaces. Une taxation basée sur le degré d'alcool faciliterait la consommation des bières les moins alcoolisées. Les «bières de table» fabriquées localement titraient un ou deux degrés d'alcool ; elles étaient les seules à être couramment consommées en France il y a 70 ans. Elles ont rapidement disparu au profit des grandes brasseries industrielles dont les bières plus fortes en alcool, moins périssables, pouvaient être commercialisées partout à travers le monde.

     Une taxation au degré d'alcool rendrait moins accessibles les bières fortes, mais aussi les alcools et spiritueux, et bénéficierait aux vins à faible degré. Ceux-ci  peuvent être fort bons, ceux 'qui ont eu la chance d'en gouter auprès de paysans qui en produisaient encore pour leur propre consommation, peuvent en témoigner-
     Mais, en France, au début du XXe siècle, sous la
pression des grands négociants, fut interdite la commercialisation des vins de moins de 10 degrés.
AUTRES TOXICOMANIES
 Toutes  les substances addictives créent d'importants problèmes de santé. La consommation des drogues a  repris une grande ampleur, en France, depuis les années 70 alors qu'elles étaient devenues rarissimes depuis 1940. Aux drogues historiques d’origine végétale se sont vite ajoutées de nouvelles drogues synthétiques et une consommation croissante de benzodiazépines légalement prescrites mais également addictives.    ,

Ce simple rappel historique suggère une relation avec l'état de la société: les années 70 sont une période charnière dans l'instauration progressive d’un nouveau libéralisme économique de plus en plus absolu  avec un recul des mesures sociales mises en place en 1945.
 Très tôt le Professeur Olivenstein avait attiré l'attention sur le fait que l'addiction à une drogue est le résultat d'une conjonction entre une fragilisation de l'individu, une disponibilité des drogues mais surtout un désordre social laissant toute la place aux quelques « gagneurs » dominants et excluant de plus en plus les « perdants », « loseurs » et autres « nuls ». Olivenstein n'a pas été entendu, il ne pouvait pas l'être puisqu'à l'époque les pays« développés » glissaient dans une dérive antisociale: l'individu seul comptait et, selon le mot de Madame Thatcher : "la société n'existait plus" .


Les pouvoirs publics ont privilégié la répression, remplissant les prisons de petits dealers- consommateurs, glorifiant la moindre saisie de cannabis, sans jamais réussir à faire reculer ce qu'on qualifiait de fléau tout en  développant  le système qui le nourrit.


 Une personne isolée, sans avenir, surmenée ou sans travail ou encore cantonnée à un travail dénué de sens est une proie facile  de tout ce qui se présente à elle comme susceptible d’adoucir la vie ou d’en oublier l’amertume.

Terroriser et culpabiliser les fumeurs et les buralistes, réprimer l’ivresse publique et l’alcool au volant, pénaliser ou dépénaliser les drogues illicites ne peut faire reculer les addictions. Au mieux, on renvoie le sujet d’une dépendance à une autre.
TABAGISME, ALCOOLISME, COMME TOUTE TOXICOMANIE  RELÈVENT MOINS DE MESURES SPÉCIFIQUES QUE DE CHANGEMENTS PROFONDS TOUCHANT LA SOCIÉTÉ;
                                                                 FIN
Bibliographie

 
4
/ Cf. les pages 201 à 205 de « Comment perdre la Santé » L. Jaisson -éd De Guibert- 1995
5/ Voir le livre de D. Nourrisson : «Les buveurs du XIX° siècle » -éd Albin Michel-1990
6/ Mary Douglas : « Constructive drinking » 1987 Cambridge University Pre


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