jeudi 1 février 2007

II/ FAUT-IL ASEPTISER LES ALIMENTS ? (Luc Jaisson)

La multiplication des mesures d'hygiène, y compris sur les marchés, et la publicité faite aux maladies liées aux listérias et salmonelles aboutit à exagérer l'importance des microbes.
FAUT-IL QUE NOS ALIMENTS SOIENT DENUES DE TOUT MICROBE ?
Il faut rappeler que la vie, telle quelle s'est développée sur la Terre n'aurait jamais existé et ne serait toujours pas possible sans les microbes. La plupart sont tout à fait inoffensifs et, au contraire, très utiles: bactéries et champignons microscopiques fertilisent le sol et aident les plantes et les arbres à pousser, tout en recyclant tous les déchets naturels et beaucoup de produits industriels biodégradables; certains virus recyclent bactéries et plantes...Agents incontournables des modernes manipulations génétiques, les virus ont très probablement joué un rôle essentiel dans l'évolution des espèces.

D'autre part fort peu d'espèces microbiennes peuvent s'introduire dans l'organisme quand elles sont absorbées par la bouche: l'acide chlorhydrique de l'estomac les détruit massivement. Pour qu'ils passent cette barrière il faut qu'ils soient très nombreux: au dessous d'un seuil qui varie avec les espèces, il n'y a aucun risque qu'ils envahissent l'organisme. De plus, le fait d'absorber un petit nombre de microbes dangereux permet à notre système immunitaire d'apprendre à les reconnaître, le rendant ainsi capable de résister à une plus forte contamination accidentelle.
Quotidiennement, bien loin de nous agresser, le monde microbien nous rend de grands services: cent mille milliards de microbes sont présents dans l'intestin d'un adulte, principalement dans son colon. Ils se répartissent entre de nombreuses espèces, dont 400 connues, en général inoffensives, parfois potentiellement susceptibles d'entraîner une maladie (pathogènes); cependant le développement des pathogènes est bloqué par les autres espèces dans une flore normalement équilibrée avec qui nous vivons en bonne entente.
Cette flore nous permet:
- d'aller normalement à la selle,
sans microbes nous serions très constipés,
- de digérer certaines substances
que nos sucs digestifs ne savent pas attaquer,
- de disposer de la vitamine K et de plusieurs vitamines B qu'elle produit, dont de la B12
- enfin, en occupant le terrain, cette flore rend très difficile l'implantation d'un microbe pathogène apporté avec un aliment contaminé.
La flore intestinale se constitue, après la naissance, à partir des microbes ingérés avec le lait maternel - il est heureusement impossible de stériliser complètement un mamelon
Par la suite, une aseptisation des aliments diminuerait constamment les capacités de notre système immunitaire et nous priverait de toute possibilité de reconstituer cette flore, par exemple après une cure d'antibiotiques.
Une antisepsie à base de produits comme le chlore, utilisé pour les légumes sous sachet, détruit tous les microbes mais forme des composés "organo-chlorés" souvent cancérigénes que l'on va retrouver, après rinçage, dans les rivières et les nappes phréatiques.